Le Gouvernement de la République, sur le rapport du Ministre de la Guerre ; le Conseil d’Etat entendu, arrête :
TITRE 1er
ORGANISATION DES COMPAGNIES
Article 1er
La garde et le service des batteries établies sur les côtes de la République et îles françaises en Europe seront confiés à cent compagnies de canonniers-gardes-côtes réparties dans les directions d’artillerie ci-après ; savoir : Bruges, une ; Lille, deux ; Saint-Omer, quatre ; Le Havre, huit ; Cherbourg, douze ; Brest, dix-huit ; Nantes, quatorze ; La Rochelle, treize ; Baïonne, une ; Perpignan, deux ; Montpellier, trois ; Toulon, dix-neuf ; Corse, trois.
2
Chaque compagnie de canonniers gardes-côtes sera composée d’un capitaine, un lieutenant, un sergent-major garde-magasin principal, quatre sergen(t)s, huit caporaux, huit appointés, deux tambours, et quatre-vingt-seize canonniers.
3
Les officiers seront nommés par le premier Consul, et choisis parmi les officiers ayant servi, soit dans l’artillerie de terre, soit dans celle de la marine, soit dans les anciennes compagnies de gardes-côtes, soit parmi les officiers réformés des autres armes, qui jouissent du traitement de réforme ou d’une solde de retraite.
Les sergen(t)s, caporaux et appointés seront choisis par les capitaines.
4
Les préfets désigneront aux communes de leurs départemen(t)s le nombre de canonniers qu’elles devront fournir, d’après les instructions qui seront adressées aux préfets par le ministre de la guerre.
Les hommes désignés devront n’avoir pas moins de vingt-cinq ans ni plus de quarante-cinq : ceux qui auraient moins de cinq pieds* ou des infirmités, ne seront pas reçus. (* = 1,62m)
On choisira de préférence les militaires qui ont obtenu leur congé ou leur retraite pour blessures ou infirmités provenant des évènemen(t)s de la guerre, et qui ont encore les facultés nécessaires pour le service.
5
Les hommes admis dans les compagnies de canonniers gardes-côtes devront y servir pendant cinq années consécutives ; ils pourront, tous les cinq ans, renouveler leur engagement jusqu’à ce qu’ils aient atteint l’âge de cinquante ans.
6
L’organisation des compagnies sera faite par le directeur ou le sous-directeur d’artillerie de l’arrondissement, ou par un officier d’artillerie désigné par le directeur.
7
Indépendamment des cent compagnies de canonniers gardes-côtes, créées par l’article premier du présent arrêté, il en sera formé vingt-huit autres, sous la dénomination de compagnies canonniers gardes-côtes sédentaires, qui seront établies, savoir : à Belle-Ile, cinq ; à Ouessant, une ; à l’île de Groix, deux ; à l’île de Bréhat, deux ; à l’île de Baz, une ; aux Sept-Iles, une ; à l’Ile-Dieu, deux ; à l’île de Noirmoutier, deux ; à l’île de Ré, quatre ; à l’île d’Oléron, quatre ; à l’île d’Elbe, quatre.
Ces compagnies seront toutes composées des habitan(t)s du pays, et seront considérées comme gardes nationales ; en temps de guerre maritime, elles feront le même service que les autres compagnies de canonniers gardes-côtes, et jouiront, à titre d’indemnité, pour chaque jour de service aux batteries et sur les côtes ; savoir :
les sous-officiers et canonniers, 50 centimes
les capitaines, 3 francs
et les lieutenan(t)s, 2 francs.
Au moyen de cette indemnité, il ne leur sera accordé aucune solde ni fourniture.
8
Il y aura un adjudant de côte par chaque direction d’artillerie, dans l’arrondissement de laquelle seront établies des compagnies de canonniers gardes-côtes ; il sera chargé de la surveillance du service et du maintien de la discipline des compagnies gardes-côtes ; il correspondra directement avec les généraux commandant les divisions et départemen(t)s, et avec les commandan(t)s d’armes et directeurs d’artillerie.
Ces adjudan(t)s seront pris parmi les chefs de bataillon ou d’escadron réformés, et de préférence parmi ceux qui ont servi dans l’artillerie.
Ils passeront une fois chaque mois, et un jour de dimanche, la revue des compagnies de canonniers gardes-côtes de leur arrondissement. Si une compagnie est formée d’hommes appartenant à plusieurs communes, la revue aura lieu par escouade.
Dans les directions où il y aura plus de dix compagnies, les adjudan(t)s de côte pourront avoir un ou deux adjoints, suivant les besoins du service. Ces adjoints seront pris parmi les adjoints d’état-major.
9
L’uniforme des canonniers gardes-côtes sera composé d’un habit de drap bleu national, paremen(t)s bleus, revers et retroussis vert de mer, doublure de serge et cadis blanc, gilet et culotte de tricot vert de mer, chapeau bordé de laine noire, bouton de métal jaune timbré d’une ancre, d’un canon et d’un fusil.
Les distinctions relatives aux différen(t)s grades des officiers et sous-officiers seront les mêmes que dans l’infanterie.
10
L’armement consistera, pour chaque sergent ou canonnier, en un fusil, une bayonnette et une giberne : le tout des mêmes formes, largeur, longueur et proportions que celles de l’infanterie.
11
Il sera fourni tous les cinq ans un habillement complet à chaque sous-officer et canonnier garde-côtes, qui ne pourra être porté que pendant le temps de service et les jours de revue. Le reste du temps, il sera déposé, ainsi que l’armement, à la maison commune, sous la responsabilité du maire ou de celui qui le remplacera.
12
Les officiers de canonniers gardes-côtes auront rang entre eux du jour de leurs lettres et brevets. Ceux qui auront précédemment servi dans les troupes de ligne, conserveront leur rang des grades qu’ils y avaient et marcheront entre eux à grade égal pour le service de la côte, suivant les dates de leurs anciennes lettres, commissions ou brevets.
13
Toutes les fois que les canonniers gardes-côtes seront réunis à des détachement de troupes de lignes pour la défense des batteries ou forts, les capitaines de canonniers seront sous les ordres des capitaines de troupes de ligne, mais les lieutenan(t)s des dites troupes seront commandés par les capitaines des canonniers gardes-côtes qui seront détachés aux dits batteries et forts.
TITRE 2
SERVICE ET TRAITEMENT EN TEMPS DE GUERRE MARITIME
14
Il sera affecté à chaque batterie, en temps de guerre maritime, un garde-magasin qui sera pris parmi les canonniers vétérans ou parmi les sous-officiers ayant leur retraite.
Il jouira d’un logement le plus près possible de la batterie ; il devra savoir lire et écrire, et recevra des ordres immédiats des sous-directeurs et officiers d’artillerie en résidence.
15
Le gardien aura un inventaire des pièces, munitions et attirails d’artillerie dont il sera chargé ; il en tiendra un état exact de celles remises en consommation, par jour et date, pour les représenter lorqu’il en sera requis.
Il enverra l’état de ces remises et consommations au directeur d’artillerie aux époques qui seront désignées.
16
Les munitions destinées au service des canons et mortiers ne seront délivées que pour les consommations des batteries auxquelles elles seront affectées, et il ne pourra en être transporté ailleurs que sur les ordres du commandant du département, du directeur ou sous-directeur d’artillerie.
17
Le mouvement et le transport des munitions sera fait par les canonniers gardes-côtes ; et s’il faut quelques secours extraordinaires pour exécuter le travail, les communes fourniront les hommes et les chevaux nécessaires, sur la réquisition des capitaines des compagnies.
18
En l’absence des officiers, les canonniers gardes-côtes et leurs sous-officiers seront subordonnés au gardien de la batterie, et exécuteront ce qu’il leur ordonnera sur les objets concernant le service de l’artillerie.
19
Les gardiens feront tous les jours, le matin et le soir, visite des batteries et magasins ; ils auront la plus grande attention à ce que les magasins soient propres et bien rangés, à tenir les poudres sèchement et en sûreté dans les dits magasins, et répondront de la conservation des effets et munitions.
20
Dès qu’un gardien apercevra qu’i l y a des réparations à faire dans les magasins dont il est chargé, il en donnera avis au commandant de la batterie et en fera un état qu’il adressera au directeur de l’artillerie.
21
Les gardiens se trouveront toujours à la batterie lorsque la garde relèvera ; ils vérifieront si l’ancienne garde remet en bon état, à la nouvelle, les effets qui lui auront été consignés.
Pour que chaque gardien puisse faire exactement cette vérification, il aura un double de la consigne qui devra être donnée par le directeur d’artillerie, avec un état des effets et ustensiles de la dite batterie ; et s’il manque quelques articles ou qu’il y en ait d’endommagés, le gardien en rendra compte au directeur d’artillerie et au commandant du département.
22
Le service des compagnies de canoniers gardes-côtes sera réglé par l’officier général commandant de la division ; les détachemen(t)s qui seront faits aux batteries, seront relevés au moins tous les quatre jours ; et si les circonstances exigeaient plus de quatre jours de service par le même détachement, il serait pourvu à la solde des dits détachemen(t)s jusqu’au jour exclusivement auquel ils seraient relevés, sur le pied fixé ci-après.
23
Chaque capitaine de canonniers formera, pour les batteries auxquelles sa compagnie sera attachée, un rôle à trois colonnes, dont la première contiendra le nom des dites batteries et le calibre des pièces ; la seconde, le nom des canonniers, et la troisième, celui de leur demeure.
Ce rôle sera remis à l’officier d’artillerie qui sera chargé du service des batteries où devra servir la compagnie.
24
Il y aura à chaque batterie, à la charge du gardien, un contrôle des sous-officiers et canonniers destinés au service de la batterie. Il sera présenté par le gardien à l’adjudant de côte, au directeur ou sous-directeur d’artillerie, lorsqu’ils viendront à la batterie, et à tout autre officier d’artillerie qui y sera envoyé pour commander ou faire exercer et manoeuvrer les canonniers.
25
Les canonniers gardes-côtes qui seront commandés pour le service des batteries s’y rendront armés, et seront conduits par leurs officiers ou sous-officiers, selon qu’ils marcheront par compagnie ou par escouade ; en cas d’alarme, ils y marcheront sans armes et le plus promptement possible. Leurs armes seront transportés des magasins aux batteries sur des voitures qui seront fournies par les communes.
26
Il sera établi des sentinelles à toutes les batteries ; le nombre en sera réglé en raison de celui des canonniers qui y seront de service, et des objets sur lesquels il y aura à veiller.
27
Les sentinelles ne laisseront faire aucune dégradation aux batteries ; elles empêcheront qu’il ne soit enlevé aucun effet ; elles ne laisseront entrer dans les dites batteries que les officiers de service et autres personnes qui seront connues ou qui auront des permissions par écrit du commandant ou du directeur d’artillerie ; elles arrêteront et feront reconnaître les troupes qui se présenteront, soit pour relever les canonniers de service, soit pour en augmenter le nombre, et quelque autre troupe que ce soit ; elles avertiront le commandant de tout ce qu’elles apercevront à la mer et sur la côte, et qui leur paraîtra mériter attention.
28
Il sera fait le jour et la nuit des rondes et des patrouiles au-dehors des batteries et sur la côte, tant pour la sûreté des dites batteries que pour empêcher qu’il ne se passe rien de préjudiciable au service.
29
Il y aura à chaque batterie une consigne particulière, relative à la position, à l’étendue et à l’importance des dites batteries, et cette consigne sera donnée par le commandant du département.
30
Les canonniers gardes-côtes qui seront aux batteries , y feront l’exercice du canon une fois par jour. On aura soin de les instruire dans les exercices de la charge qui convient à chaque calibre.
31
On ne tiendra ni canon ni mortier chargé dans les batteries, à moins que l’ordre n’en ait été donné par le commandant ; on ne chargera les bombes que dans le besoin ; mai elles seront d’avance rendues propres à recevoir la poudre, et seront empilées l’oeil en bas, pour qu’elles ne s’emplissent ni d’eau ni de terre.
32
Il ne sera tiré des batteries aucun coup de canon ni de mortier, soit pour souffler les pièces, soit pour les épreuves ou les saluts, sans un ordre par écrit, qui sera présenté avec l’état des consommations.
33
La solde des compagnies de canonniers gardes-côtes, en temps de guerre, est réglée ainsi qu’il suit :
au capitaine 100 f par mois
au lieutenant 66 f 66 c par mois
au sergent-major 1 f par jour
à chaque sergent 80 c
à chaque caporal 65 c
à chaque appointé 60 c
à chaque tambour 60 c
à chaque canonnier 50 c
Au moyen de ce traitement, les sous-officiers et canonniers seront tenus de se pourvoir en pain et autres subsistances pendant le temps de leur service.
35
Ce traitement sera payé sur un contrôle nominatif, signé par les capitaines, lieutenan(t)s et sergen(t)s-majors des compagnies qui en seront responsables.
Ce contrôle sera fait par triple expédition, dont une sera adressée au directeur d’artillerie, une au quartier-maître dont il sera parlé ci-après, et l’autre à l’inspecteur aux revues de la division.
36
Il sera établi dans chaque direction d’artillerie un quartier-maître, nommé par le premier Consul, qui sera chargé de tous les détails de la comptabilité des compagnies des canonniers gardes-côtes.
Il fournira un cautionnement qui sera réglé, pour chaque direction, en considération du nombre des compagnies qui y seront employées.
Son traitement sera de 1800 francs.
37
Le service des compagnies gardes-côtes, pendant la guerre, sera compté comme celui qu’elles pourraient rendre aux armées.
En temps de paix, chaque année sera comptée pour une demi-année.
Les sous-officiers auront droit à l’admission de leurs enfants à l’école de Compiègne.
TITRE 3
SERVICE ET TRAITEMENT EN TEMPS DE PAIX
38
Une batterie pour chaque compagnie sera conservée en temps de paix.
Il sera fourni un logement à proximité au sergent-major qui en aura la garde, le capitaine sera tenu de résider dans la commune la plus voisine de cette batterie.
39
Les canonniers gardes-côtes seront réunis tous les ans dans la saison la plus favorable et pendant dix jours, aux batteries conservées ; les officiers de la direction leur feront faire l’exercice du canon et des boulets rouges. Il y aura toujours à ces exercices un officier d’artillerie de la direction, et le plus souvent possible un sous-directeur ou le directeur lui-même. Pendant ces dix jours les compagnies de canonniers gardes-côtes recevront une solde extraordinaire, conformément à l’article 34 du présent arrêté.
40
Toutes les fois que la garde nationale prendra les armes, les canonniers auront la garde et seront censés former les grenadiers de la garde nationale, qui marchera à leur secours et se portera aux batteries lorsque les circonstances l’exigeront.
41
Lorsque les canonniers gardes-côtes seront requis par la gendarmerie nationale ou par les préfets ou sous-préfets, ils recevront la solde extraordinaire fixée par l’article 34.
42
Les directeurs ou sous-directeurs d’artillerie réuniront tous les ans, à un point central de la direction les officiers, sergents, caporaux de cinq compagnies, pour les exercer aux manoeuvres de force, à celles de chaque espèce de bouche à feu, et au tir des bombes et des boulets rouges.
Ils recevront pendant le temps de ette runion la solde rglée par l’article 34.
43
Les compagnies de canonniers gardes-côtes jouiront pendant la paix, à titre d’indemnité, du traitement ci-après, savoir :
le capitaine 600 f par an
le lieutenant 400
le sergent-major 150
chaque sergent 72
chaque caporal 54
chaque appointé 45
chaque tambour 45
chaque canonnier 36
Au moyen de ce traitement, les sous-officiers et canonniers se fourniront de chaussures, linge et autres objets de petit équipement.
44
Le traitement de l’adjudant de côte sera, en temps de paix, de 2000 f. Il sera de 3000 f en temps de guerre.
45
Le ministre de la guerre, le directeur de l’administration de la guerre, les ministres de la marine et du trésor public, sont chargés, chacun en ce qui le concerne du présent arrêté qui sera inséré au bulletin des lois.
Le premier Consul, signé Bonaparte. Pour le 1er Consul, le Secrétaire d’Etat, signé Hugues B. Maret et le ministre de la guerre, signé Alex Berthier.
Pour copie conforme, le Minsitre de la Guerre, signé Alex Berthier
A Paris, de l’Imprimerie de la République
17 Prairial An 11 ( = 6/6/1803)