En juin 1910, Missy, la princesse de Morny, a acheté la villa colombanaise qu’elle donnera à Colette. Mais vers la fin de l’année, celle-ci a rencontré Auguste qui l’accompagne sur la côte d’Azur lors de sa tournée de février 1911.
Et tout ce beau monde cohabite tant bien que mal quand survient la brouille : au journal Le Matin où elle est aussi "pigiste", Colette fait la connaissance de l’un des propriétaires, Henri de Jouvenel.
La situation de celui-ci n’est pas plus claire. Lorsqu’en juillet, il annonce cette nouvelle liaison à sa maîtresse en titre Mme de Comminges, la dame que Collette dans sa correspondance appelle « La Panthère » menace de « zigouiller » sa rivale.
Et le danger est pris suffisamment au sérieux pour entraîner une fuite à Roz-Ven, suivie d’un retour à Paris, et pour que l’actrice passe tout ce mois de « semi-séquestration … gardée officiellement et policièrement, ni plus ni moins qu’un monarque en déplacement.»
L’infortune a d’ailleurs rapproché les deux délaissés, Hériot et La Panthère, qui veulent « se venger par le sang », comme c’est encore de coutume à l’époque dans ces milieux.
Mais laissons Colette raconter elle-même la fin de l’histoire :
« Et croyez-moi si vous voulez, cette période vient seulement de prendre fin, close par un événement, inattendu, providentiel et magnifique ! Las de s’exercer chez Gastines-Renette*, M. Hériot et Mme la Panthère viennent de s’embarquer sur le yacht Esmerald, pour une croisière de six semaines au moins, après avoir étonné le Havre, port d’attache, par des soulographies notoires. Est-ce bien ? est-ce théâtre ? un peu trop n’est-ce pas ? »
Ne vous étonnez donc pas si, du côté de Cancale et de Barbe-Brûlée, on ne vit pas apparaître le yacht aux régates de 1911.
A la suite de tout cet embrouillamini, Colette passera un début d’août plus calme avec Jouvenel dans la propriété familiale de celui-ci près de Brive avant de reprendre son nouveau spectacle de mime au Ba-Ta-Clan.
Missy, dégoûtée, abandonnera définitivement Roz-Ven à Colette et achètera la villa « Princesse », à trois kilomètres de là.
Auguste Hériot sortira lui aussi de la vie de Colette, pas complètement cependant puisqu’il lui servira de modèle pour cette autre œuvre « Chéri », dans laquelle on ne peut pas dire qu’il soit présenté sous un jour avantageux…
Mais c’était pire encore lorsque dans Le Matin, dès le 11 août 1911, elle le dépeignait sous le nom de « Clouk », ainsi nommé « à cause d’un petit bruit de clapet, insupportable, qu’à chaque aspiration on entendait dans sa narine enrhumée ».
La dame a la dent dure avec ses amants une fois qu’elle les a quittés, même si elle continue à les utiliser : en août 1912, lors de difficultés financières passagères et après une brouille temporaire avec Jouvenel, elle gagera auprès de Hériot un collier de perles !
Ainsi allait ce beau monde en cette "Belle Epoque", dansant au bord du volcan, mais décidément à mille lieues des préoccupations de « La Houle et ses pêcheurs » ou des grêves de terre-neuvas de la même époque …
Un autre monde ? Non, carrément une autre planète.
A.D., 11/5/2013
* un armurier parisien